Palimpseste

J'ai commencé à évoquer ces petites allusions "intertextuelles" que l'on retrouve dans toute création littéraire, ou plus largement artistique, et qui apparaissent pour moi comme les indices d'un immense jeu de piste culturel que je m'amuse à suivre.
Et pourtant cette notion d'intertextualité est bien plus sérieuse que ça: alors j'ai bien envie de vous en parler, juste un peu.
Ce concept est né dans les années 60-70, et il a été développé, entre autres, par Gérard Genette et Julia Kristeva. Pour faire simple, l'intertextualité est le rapport qu'un texte entretient avec d'autres textes, précédents et à venir. Finalement il n'est question que de mémoire: ce qu'on écrit aujourd'hui est truffé de ce qu'on a lu ou vu hier! Que ce soit par le biais d'une allusion, d'une citation, ou d'un simple mot, on ne fait que reprendre ce que l'on a déjà "absorbé".
Alors un texte devient comme une grande bibliothèque; il porte en lui la mémoire de nos lectures, de notre culture, et une recherche un peu pousée permettrait de faire ressortir des mots que nous utilisons, non pas les titres exacts des ouvrages que l'on  a lus (parfois c'est possible quand même), mais au moins les thèmes qui nous sont chers.
Gérard Genette a intitulé un de ses bouquins qui traite de cette notion "Palimpsestes". Or un palimpseste est, au Moyen Age, une peau (ancêtre du papier) qui a été lavée et grattée afin d'être réutilisée (ya pas de petit profit!). Cette peau ou feuille garde pourtant les traces de ce qui la recouvrait avant, un peu comme quand on fait apparaître sur la feuille blanche d'un bloc-notes ce qui a été écrit sur la feuille précédente et manquante, en frottant avec un crayon à papier (dans les séries policières ils font souvent ça pour connaître le lieu où le suspect s'est rendu, vous voyez?).
Cette forme d'étude des textes permet de mettre en évidence ce qui apparaît comme les valeurs d'une époque, les références communes dans lesquelles quantité d'écrivains ont baigné, et à mon goût ça n'enlève rien au texte en terme d'autonomie: parce que chaque culture est personnelle, unique et se construit selon une cohérence spécifique. Ainsi chaque texte fait "allusion" à une bibliothèque virtuelle unique!
Je ne sais pas si vous m'avez comprise, mais je trouve cette notion incroyable, très riche.
D'autant plus qu'on peut l'appliquer à tous les arts, qui sont faits d'emprunts plus ou moins conscients. Amusez-vous à trouver ce qui inspire ou a inspiré vos auteurs, cinéastes et musiciens préférés, vous verrez que c'est passionnant, et qu'en plus on a l'impression, quand on déniche une piste, d'approcher un peu plus le monde mystérieux des étoiles de notre panthéon personnel.

Juste un truc, l'image qui illustre les propos les plus intelligents que j'ai pu tenir sur ce blog depuis sa naissance représente un extrait du manuscrit de Voynich vraisemblablement écrit au 15 ème siècle, dans une langue qui demeure inconnue. Si cet alphabet  vous paraît soudain déchiffrable, contacter la bibliothèque Beinecke de l'université de Yale, on vous en serait reconnaissant...

Comments

[mariaba]

Mais non, y a pas de "super" et de "sous" culture, et puis j'adore ces chanteurs là!!
J'aime bien Pauline Croze aussi, mais je ne sais pas trop qui elle me rappelle. Je crois qu'on aime souvent des choses qui nous rappellent autre chose, comme les madeleines de Proust. Pendant un moment, j'éatis presque larmoyante à chaque fois que j'entendais "un homme extraordinaire" des Innocents, et bah je crois que ça a trait à mon histoire, mais j'ai mis des années à comprendre...

[pomme]

Eh ben voilà ! Super bien expliqué, hyper intéressant et original ! J'adore !
C'est vrai que nous sommes tous faits de milliers de petits bouts d'autrui... et c'est d'autant plus enrichissant qu'il nous appartient ensuite d'exprimer cet "héritage" selon nos caractéristiques personnelles... mais je m'égare, j'élargis trop le sujet !
Personnellement je ne m'y connais pas assez en littérature pour déceler ce genre de pistes chez un auteur, mais il m'est arrivé d'en trouver chez des chanteurs que j'aime : par exemple Bénabar, par certains côtés, me rappelle beaucoup Renaud. Ok, au niveau références culturelles, on est loin de Jean Genette, mais je fais ce que je peux ;-)